Les problèmes de dépression et de sommeil sont souvent indissociables. Pour preuve : 75% des patients déprimés rapportent des troubles du sommeil. Récemment, une équipe de chercheurs sino-britannique a identifié le lien neuronal entre la dépression et les problèmes de sommeil.
Plus de ruminations, moins d’endormissement
Afin de mener à bien leur étude, les chercheurs de l’université de Warwick de Coventry et de l’Université Fudan de Shanghaï ont étudié les données médicales de 1017 personnes âgées de 22 à 35 ans et souffrant, ou non, de dépression et de troubles du sommeil. Ces volontaires étaient des participants du « Human Connectome Project » ou « Projet de connectome humain ».
À savoir ! L’Institut national de santé américain (National Institute of Health ou NIH) a mis en place le Human Connectome Project, une étude dans laquelle 1 200 personnes ont passé une IRM du cerveau cartographiant leurs connexions cérébrales. Les participants ont aussi rempli plusieurs questionnaires concernant leurs traits comportementaux et personnels.
En analysant et comparant ces données cérébrales, ils se sont rendu compte que les régions cérébrales associées à la mémoire à court terme (mémoire de travail), à l’estime de soi et aux émotions négatives sont fortement interconnectées chez les personnes dépressives et présentant des troubles du sommeil.
A Savoir ! La mémoire de travail permet à une personne de disposer d’un espace de travail mental afin de maintenir des informations pendant une période de plusieurs secondes. Elle joue également un rôle crucial dans le développement du raisonnement et de la logique.
À savoir ! La mémoire de travail permet à une personne de disposer d’un espace de travail mental afin de maintenir des informations pendant une période de plusieurs secondes. Elle joue également un rôle crucial dans le développement du raisonnement et de la logique
Concrètement l’intensité de connexion entre ces trois régions cérébrales fournit une explication sur le lien entre dépression et mauvaise qualité du sommeil.
Pour les chercheurs : » Cette connexion entre ces trois régions cérébrales engendre une augmentation des pensées ruminantes qui sont, en partie, responsable du mécanisme qui nuit à la qualité du sommeil « .
Ces résultats fournissent une base neurale pour comprendre comment la dépression est associée à une mauvaise qualité du sommeil comme une difficulté à s’endormir et une courte durée de sommeil.
Le cortex orbitofrontal : nouvelle cible pour lutter contre la dépression ?
Cette étude offre une compréhension plus profonde de la dépression. En identifiant, une fois de plus, le rôle majeur du cortex orbitofrontal latéral dans la dépression, il est possible de développer des thérapies médicamenteuses ou de stimulation magnétique transcranienne ciblant cette zone spécifique du cerveau.
À savoir ! Le cortex orbitofrontal est une région du cerveau associée à l’intégration sensorielle, aux attentes et à la prise de décision. Il est divisé en deux parties. La partie médiane s’active quand nous nous sentons bien et l’autre, latérale, qui est impliquée dans le traitement de la non-récompense et donc d’un sentiment de « punition ». Des recherches récentes, menées par la même équipe de chercheurs, ont montré que les personnes dépressives possédaient des connexions neuronales plus faibles dans la partie médiane du cortex orbitofrontal et plus fortes dans le cortex orbitofrontal latéral.
À savoir ! La stimulation magnétique transcrânienne consiste à appliquer une bobine aimantée au niveau d’un point précis du crâne pour moduler l’activité des neurones et diminuer les symptômes de la maladie comme la dépression, les douleurs, les acouphènes. Elle est réservée pour les personnes dépressives en échec après un traitement avec un ou deux médicaments antidépresseurs.
Une théorie récente sur les mécanismes neurologiques de la dépression avance qu’une insensibilité du cortex latéral orbitofrontal influence, à distance, l’aire cérébrale dans lesquelles l’estime de soi est représentée ainsi que celle impliquée dans les symptômes de rumination. Deux composantes essentielles du mécanisme de la dépression.
Jianfeng Feng de l’université Fudan ajoute notamment, dans un communiqué de presse universitaire, que ces résultats pourraient avoir des implications importantes sur la santé publique.
On ne manquera pas de suivre l’actualité des nouvelles investigations scientifiques sur le cortex orbitofrontal dans la dépression !
Julie P., Journaliste scientifique
– Functional Connectivities in the Brain That Mediate the Association Between Depressive Problems and Sleep Quality. Jamanetwork.com. W. Cheng et al. JAMA. Consulté le 31 juillet 2018.
– Medial reward and lateral non-reward orbitofrontal cortex circuits change in opposite directions in depression. Academic.oup.com. W Cheng et al. Brain. Consulté le 31 juillet 2018.