Renforcement du système immunitaire, protection contre les maladies digestives (diarrhée, syndrome de l’intestin irritable) et les maladies métaboliques (diabète, obésité)… en plus de toutes ces actions, le microbiote intestinal aurait aussi une influence sur notre santé mentale. Mais, quelle est l’influence de cet ensemble de micro-organismes sur la dépression ? Focus sur une étude belge parue dans la revue Nature Microbiology.
Dépression et qualité des bactéries dans l’intestin
Les relations entre le microbiote intestinal et certaines pathologies ou troubles mentaux et/ou neurologiques (maladie d’Alzheimer, maladie de Parkinson, autisme, sclérose en plaques, dépression etc.) restent aujourd’hui très controversées.
À savoir ! Le microbiote (appelé autrefois « flore ») est l’ensemble des micro-organismes (bactéries, levures, champignons, virus) vivant dans un environnement spécifique. Les 3 principaux microbiotes hébergés dans notre organisme se situent sur la peau, dans l’intestin et au niveau du vagin. 40 000 milliards de bactéries, représentant plus de 1000 espèces, vivent dans l’intestin, et plus spécifiquement dans le côlon.
Même si la communication bidirectionnelle entre la flore intestinale et le cerveau a été montrée largement chez le modèle animal (et notamment les souris) depuis 2004, il est encore difficile de la mettre en avant chez l’humain.
Dans cette étude, menée par l’équipe du microbiologiste Jeroen Raes de l’université catholique de Louvain (Belgique) et de l’université de Groningen (Pays Bas), les chercheurs ont montré, sur 1054 volontaires, que les personnes dépressives présentaient systématiquement des taux bas de bactéries du genre Coprococcus et Dialister, qu’ils prennent des antidépresseurs ou non.
À savoir ! Les médiateurs permettant la communication entre l’intestin et le cerveau sont les acides gras à chaînes courtes (comme le butyrate), les neurotransmetteurs (sérotonine, GABA etc.), les hormones (comme le cortisol) et les modulateurs du système immunitaire.Ces médiateurs utilisent donc différentes voies : le sang, le système hormonal, la voie immunitaire et la voie nerveuse.
A contrario, ils ont constaté que les personnes présentant dans leur intestin plus de bactéries du genre Faecalibacterium et Coprococcus, étaient plus susceptibles d’avoir une vie mentale équilibrée.
En 2014, l’équipe d’Ali Naseribafrouei de l’université arctique (Norvège) avait révélé, sur un échantillon de 55 personnes, que les patients dépressifs avaient une abondance de bactéries du groupe des Bacteroidetes et une faible proportion de Lachnospiraceae dans leur intestin.
Les perspectives de cette étude
Jusqu’ici, l’étude belge ne prouve pas que les microbes intestinaux affectent la santé mentale : les chercheurs ont juste mis en évidence une association et il est possible aussi que ce soit la dépression elle-même qui provoque une modification du profil des bactéries contenues dans la flore intestinale.
Ainsi, pour aller plus loin, Jeroen Raes et ses collaborateurs ont réalisé d’autres expériences génétiques mettant en avant que le microbe intestinal communique avec le système nerveux en sécrétant des neurotransmetteurs (molécule de communication entre les neurones) qui sont essentiels pour une bonne santé mentale.
« Nous avons voulu voir si les bactéries intestinales avaient un moyen de communiquer avec le système nerveux en analysant leur ADN. Finalement, nous avons constaté que beaucoup pouvaient produire des neurotransmetteurs ou des précurseurs de substances comme la dopamine et la sérotonine» souligne Jeroen Raes dans un article du Guardian.
À savoir ! La dopamine est responsable des phénomènes d’addiction. Les réseaux dopaminergiques sont étroitement associés aux comportements d’exploration, de la vigilance, de la recherche du plaisir et de l’évitement actif de la punition. Les drogues, le sexe et certains comportements addictifs activent ce système dopaminergique. La sérotonine est impliquée dans diverses fonctions de l’organisme telles que le sommeil ou l’humeur et les comportements alimentaires et sexuels. Dans la dépression, ces deux neurotransmetteurs peuvent présenter des dysfonctionnements.
Si un déséquilibre dans la composition des bactéries intestinales participe à la survenue et à l’installation durable d’une dépression, alors les chercheurs espèrent pouvoir mettre en place des traitements probiotiques (bactéries ayant un effet bénéfique pour l’homme comme Lactobacillus rhamnosus), complémentaires à une thérapie principale, qui vont venir rééquilibrer les populations de bactéries intestinales.
Cependant, et avant l’élaboration prochaine de « psychobiotiques », il est indispensable de bien cibler les bactéries à rééquilibrer et de mieux comprendre leurs mécanismes de communication avec le cerveau.
Julie P., Journaliste scientifique