Un quart des Français disent manquer de sommeil. Pourtant un sommeil suffisant et de qualité est capital pour être en bonne santé, physiquement et mentalement. Chez les personnes anxieuses ou dépressives, une tendance à la rumination est observée. Selon une récente étude, le manque de sommeil pourrait orienter vers des images négatives l’attention des personnes ayant un niveau élevé de ruminations, l’une des principales caractéristiques de la dépression.
Sommeil et santé
De nombreuses études scientifiques se sont intéressées aux effets du manque de sommeil sur la santé. Si certains troubles mineurs du sommeil, comme les cauchemars ou les terreurs nocturnes des enfants, sont sans conséquences majeures, d’autres perturbations plus importantes du sommeil (insomnie, narcolepsie, apnée du sommeil, …) peuvent altérer la qualité de vie et la santé. Or ces troubles feraient souffrir près d’un Français sur trois.
Un manque de sommeil répété peut être à l’origine de multiples conséquences, très variables d’une personne à l’autre et en fonction de la nature du trouble du sommeil :
- Une fatigue mentale et physique ;
- Une diminution de la concentration ;
- Des troubles de la vigilance ;
- Un manque d’énergie ;
- Un risque accru d’accidents ou de chutes ;
- Des troubles de l’humeur ;
- Une augmentation de l’appétit pouvant mener au surpoids ;
- Un affaiblissement du système immunitaire ;
- Des perturbations diverses du métabolisme.
Les troubles de l’humeur associés au manque chronique de sommeil peuvent aller jusqu’à un état dépressif. Serait-il alors possible de relier directement manque de sommeil et dépression ?
Vers une tendance dépressive
L’anxiété et la dépression comptent parmi leurs symptômes évocateurs des signes appelés par les spécialistes des ruminations ou pensées négatives récurrentes. Elles se matérialisent par une tendance constante et répétée à toujours voir le côté négatif de chaque chose ou évènement. Les ruminations sont le plus souvent difficilement contrôlables.
D’une manière générale, des troubles du sommeil et des décalages du rythme circadien (alternance jour/nuit) sont fréquemment observés chez les personnes présentant beaucoup de ruminations et provoquent une altération des capacités cognitives, en particulier des troubles de l’attention. Parallèlement, si les troubles du sommeil sont traités, les symptômes psychiatriques s’améliorent et les capacités cognitives se renforcent.
Pour mieux comprendre les relations entre sommeil, dépression et fonctions cognitives, des chercheurs ont réalisé une étude sur 52 personnes (âge moyen : 35,6 ans, 55,8% de femmes), présentant un niveau élevé de ruminations (détectées par un questionnaire spécifique), des troubles du sommeil et des signes de dépression. L’attention des participants a été évaluée grâce à un indice d’attention visuelle, mesuré après exposition à des images de contenus émotionnels négatifs, positifs ou neutres.
Cercle vicieux manque de sommeil – rumination – dépression
Sur les 52 participants de l’étude, 50 % présentaient des signes de dépression majeure, 44,2 % des troubles anxieux généralisés, 36,5 % une anxiété sociale, 19,2 % des troubles obsessionnels compulsifs (TOC) et 13,5 % des symptômes de trouble de panique ou d’agarophobie. Concernant les troubles du sommeil, des insomnies primaires ont été détectées chez 19,2 % des participants, et des décalages du rythme circadien chez 13,5 % d’entre eux.
Les résultats de l’étude ont montré que les courtes durées de sommeil étaient significativement associées avec des temps plus longs de fixation des images à contenu émotionnel négatif, et ce quel que soit l’état anxieux ou dépressif du participant. Par ailleurs, des durées d’endormissement longues ont été significativement reliées à des difficultés accrues pour se détourner des images négatives.
D’après ces résultats, la durée du sommeil influencerait la capacité à se détourner des images négatives. Le sommeil serait donc capable d’influencer le traitement de l’information émotionnelle, un aspect crucial chez les personnes souffrant de troubles anxieux ou dépressifs. Cette relation n’a cependant été mise en évidence que chez des personnes souffrant de ruminations récurrentes.
Ces résultats témoignent de l’importance de prendre en charge les troubles du sommeil hez les patients dépressifs, pour éviter au maximum que leur attention ne reste focalisée sur les aspects négatifs et n’entretienne ainsi leur dépression !
Estelle B., Docteur en Pharmacie
– Shorter sleep duration and longer sleep onset latency are related to difficulty disengaging attention from negative emotional images in individuals with elevated transdiagnostic repetitive negative thinking. Nota, J.A. and al. 2018. Journal of Behavior Therapy and Experimental Psychiatry 58: 114. DOI: 10.1016/j.jbtep.2017.10.003.
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