Diagnostic • Évolution • Complications • Facteurs de résistance au traitement
Diagnostic
Signes cliniques
Le diagnostic de dépression est établi :
- sur les plaintes énoncées par le patient : tristesse, fatigue, idées noires, perte d’appétit, troubles du sommeil…
- sur les éléments rapportés par l’entourage qui indiquent un changement, voire une rupture dans le caractère et le comportement,
- sur les répercussions sociales engendrées par ce changement : baisse des performances sociales, moindre intérêt aux événements familiaux.
Le principal risque est de confondre symptômes dépressifs (très fréquents selon les aléas de la vie) et maladie dépressive.
Signe para-cliniques
Existe-t-il des signes paracliniques susceptibles de valider le diagnostic de dépression ?
Pas vraiment… Certes, un bilan psychologique (dans un laboratoire spécialisé sachant pratiquer des tests d’efficience et de personnalité dans des conditions standardisées) peut mettre en évidence des aspects psychologiques dépressifs (tristesse, ralentissement, pensées négatives…).
Il s’agit, par exemple, du test dit MMPI qui comporte plusieurs dizaines de questions pour lesquelles il faut choisir de répondre vrai ou faux.
Pour l’heure, les autres examens paracliniques restent du domaine de la recherche :
- tests neuro-endocriniens (perturbés chez 50% des déprimés en dehors de toute endocrinopathie) ;
- IRM fonctionnelle montrant l’hypoactivité ou l’hyperactivité de certaines zones cérébrales ;
- électroencéphalogramme (EEG) de sommeil : un enregistrement EEG continu durant le sommeil permet de voir une modification de l’architecture du sommeil (raccourcissement de la latence d’apparition des phases de sommeil paradoxal (REM) et diminution de la durée totale de ce sommeil REM), y compris chez les déprimés ne ressentant pas de trouble du sommeil.
Évolution
Accès aigu réversible
Dans la plupart des cas, l’épisode dépressif est une pathologie aiguë réversible :
- début brutal ou en quelques semaines ;
- spontané ou réactionnel à un événement ou une série d’événements ;
- phase d’état avec un nombre de symptômes plus ou moins importants et une intensité plus ou moins forte; cette phase dure 4 à 6 mois ;
- fin progressive de l’épisode : spontanément ou sous l’effet des traitements.
Ce type d’accès aigu réversible peut survenir à tout âge de la vie.
Les cicatrices après l’accès dépressif
50% des épisodes dépressifs guérissent en laissant des » cicatrices » :
- symptômes émotionnels : perte de confiance en soi, anxiété surtout manifestée par la crainte excessive d’un nouvel accès ;
- symptômes somatiques : troubles du sommeil, fatigabilité accrue ;
- conséquences sociales : modifications des relations intrafamiliales, répercussions professionnelles.
Accès aigu partiellement réversible : la double dépression
Ceci correspond aux cas où, avant même l’épisode dépressif, existaient des traits de personnalité anxio-dépressive :
- anxiété,
- symptômes dépressifs à type de tristesse,
- inhibition,
- faible réactivité aux situations festives.
Ce type de personne est perçue par l’entourage comme « triste », « inquiète », voire « dépressive ».
La survenue d’un épisode dépressif se manifeste par une intensification de ces symptômes ou l’apparition de nouvelles manifestations telles que troubles du sommeil, idées noires.
Les traitement de l’épisode dépressif entraîne le plus probablement un retour à l’état antérieur à l’accès dépressif : la personne va redevenir « triste », « inquiète », ou « dépressive » comme elle l’était auparavant.
Trouble unipolaire
Il s’agit d’un trouble où les accès dépressifs se répètent avec des intervalles de temps variables entre eux.
Dans sa forme la plus caractéristique :
- le premier accès dépressif survient entre 30 et 45 ans,
- il dure 4 à 6 mois,
- il est suivi d’un intervalle de temps normothymique (humeur équilibrée) qui peut durer de plusieurs mois à plusieurs années,
- les épisodes dépressifs ultérieurs sont plus sévères et plus prolongés que le précédent,
- les intervalles entre les accès dépressifs deviennent de plus en plus raccourcis et marqués par des symptômes cicatriciels tels que l’anxiété, perte de confiance en soi, hyperémotivité…
Maladie bipolaire
Elle concerne 1 % de la population générale, souvent transmise à plusieurs membres de la même famille, et touche également hommes et femmes.
Elle débute le plus souvent entre 20 et 30 ans, avec alternance d’épisodes dépressifs et accès d’excitation euphorique (épisodes maniaques).
Au fil du temps, les épisodes aigus maniaques ou dépressifs deviennent de plus en plus sévères, prolongés et rapprochés.
Les intervalles entre les accès raccourcissent. Le premier épisode maniaque dure spontanément 4 à 6 mois, le premier accès dépressif 6 à 8 mois.
Le risque suicidaire est élevé : il est nécessaire de mettre en place un traitement préventif des récurrences (sels de lithium ou équivalent).
Dépression symptomatique
On parle alors aussi de dépression secondaire : le trouble dépressif est consécutif à une autre pathologie qu’il importe d’identifier et de traiter.
Il existe des dépressions secondaires à certains troubles psychiatriques :
- trouble schizophrénique se compliquant d’un état dépressif qui peut aussi être inaugural du processus schizophrénique,
- trouble anxieux : une anxiété pathologique chronique peut faire le lit d’une dépression,
- trouble de la personnalité à type d’hyperémotivité, dépendance affective, anxiété excessive.
Certaines dépressions sont secondaires à un trouble somatique (maladie physique) :
- maladie neurologique dégénérative (Alzheimer, Parkinson, sclérose en plaques…) ou vasculaire (accident vasculaire cérébral, troubles vasculaires cérébraux),
- tumeur cérébrale, en particulier frontale,
- pathologie infectieuse (grippe, hépatite virale, SIDA…)
- maladie auto-immune (lupus érythémateux disséminé, polyarthrite rhumatoïde…).
Enfin, certains médicaments peuvent avoir un effet dépressogène : hormonothérapie, corticothérapie, antihypertenseurs à action cérébrale, interféron.
Chronicisation
On considère qu’un état dépressif est chronique lorsqu’il évolue de manière continue depuis plus de 2 ans. Ceci concerne 10% des états dépressifs.
Le chronicisation peut être facilitée par l’absence de traitement adapté ou la pérennisation de facteurs dépressogènes (psycho-affectifs, physiques ou environnementaux).
L’aspect émotionnel de la symptomatologie devient moins évident alors que persistent tristesse, inihibition et risque suicidaire.
La chronicisation serait plus fréquente chez le sujet âgé de plus de 60 ans.
Complications
Le suicide
La mort par suicide est un risque majeur : 5 à 10 % des sujets présentant un épisode dépressif (et 15 % des sujets bipolaires) mourront par suicide s’ils ne sont pas traités.
80 % des suicides, (11 000 chaque année en France) sont motivés par un trouble dépressif.
La tentative de suicide est une autre complication : 6 0% de suicidants (personnes qui commettent une tentative de suicide) présentent un trouble dépressif. La répétition des tentatives de suicide fait croître le risque de mort par suicide.
Les indicateurs de risque suicidaire sont :
- présence d’idées de suicide
- élaboration d’un plan suicidaire
- antécédent familial de suicide
- antécédent personnel de tentative de suicide
- isolement social
- sexe masculin
- âge supérieur à 60 ans
L’abus de substances toxiques
Schématiquement :
- chez l’homme, l’alcool est dépressogène : il est déprimé parce qu’il boit,
- chez la femme, la dépression est génératrice d’abus de substances : elle boit parce qu’elle est déprimée.
Bien entendu, derrière toute toxicomanie, il faut recherche un état dépressif; le traitement doit simultanément être antidépresseur et assurer un sevrage.
Ceci est évident pour le tabagisme : les fumeurs présentent davantage de symptômes anxiodépressifs que la population comparable de non-fumeurs.
Complications sociales
Il est facilement admis que le chômage est dépressogène. Il ne faut pourtant pas méconnaître le fait que la dépression peut également être une porte ouverte vers le chômage : la perte d’efficience, les troubles caractériels du déprimé peuvent être source de difficultés dans la vie professionnelle.
Il convient donc de prendre garde aussi aux nombreuses répercussions sociales pouvant résulter d’un état dépressif, surtout si celui-ci n’est pas diagnostiqué et traité.
Facteurs de résistance au traitement
Facteurs psychologiques
Certains traits de personnalité sont susceptibles de favoriser la pérennisation du trouble dépressif, notamment les traits de dépendance gênant l’accès à une véritable autonomie.
La recherche d’avantages liés au statut de malade peut aussi enfermer le patient dans un état dépressif. Ceci ne doit évidemment pas être compris comme un choix délibéré mais le résultat de difficultés psychologiques rendues plus handicapantes après la survenue d’un accès dépressif.
Facteurs organiques
Sans que l’on en connaisse la raison, les antidépresseurs sont moins efficaces par exemple en cas de maladie neurodégénérative (maladie du système nerveux telle maladie d’Alzheimer, de Parkinson, sclérose en plaques…).
Facteurs sociaux
Il est aisément compréhensible que la pérennisation d’un stress chronique, d’éléments environnementaux défavorables est une entrave potentielle à la résolution de l’état dépressif.
Situations de comorbidité
Les pathologies à potentialité dépressogène (trouble anxieux, alcoolisme mais aussi endocrinopathie*) limitent souvent l’efficacité des antidépresseurs.
*Endocrinopathie ou maladie des glandes endocrines, c’est-à-dire des glandes qui sécrètent des hormones dans la circulation sanguine comme la thyroïde, le pancréas.