Parmi les 300 millions de personnes souffrant de dépression dans le monde, 30% ne voient pas leurs symptômes s’améliorer ou disparaitre en suivant différentes stratégies thérapeutiques comme une psychothérapie ou un traitement médicamenteux. Dans ce contexte, trouver les origines de ces dépressions résistantes pour mieux les prendre en charge reste une urgence. Récemment une équipe franco canadienne a montré qu’une protéine présente à l’intérieur des cellules, nommée Elk-1, pourrait prédire la survenue des rechutes d’une dépression.
Des travaux complexes et complets
Afin de mener cette étude, des chercheurs parisiens, marseillais et montréalais, tous membres du réseau de psychiatrie FondaMental, ont travaillé sur trois types d’approches :
- L’étude de tissus cérébraux humains post-mortem ;
- L’étude clinique sur des patients dépressifs ;
- L’étude sur un modèle animal.
En comparant les échantillons de certains tissus cérébraux de 30 patients décédés par suicide pendant une dépression, à ceux de 22 patients sains, les chercheurs ont mis en évidence le rôle clé joué par des taux élevés d’Elk-1 dans la dépression résistante.
À savoir ! La protéine Elk-1 est un facteur de transcription (protéine nécessaire à l’initiation ou à la régulation de l’expression d’un gène) agissant dans la voie de signalisation ERK. Cette voie kinase régulée par le signal (ERK) est impliquée dans la régulation de l’humeur.
Les études menées sur des souris ont validé le lien de cause à effet entre Elk-1 et la dépression. Augmenter le taux d’Elk-1 induisait un comportement dépressif chez les petits rongeurs. A contrario, l’inhibition d’Elk-1 par un traitement chimique à base d’anti-ELK1 a fait reculer les symptômes dépressifs chez des souris soumises à un stress.
Enfin, les études cliniques ont montré qu’une concentration importante d’Elk-1 dans le sang de patients dépressifs était associée à un mauvais pronostic.
Globalement, les chercheurs ont mis en évidence que les variations de la protéine Elk-1 dans le sang des personnes permettaient de prédire leur vulnérabilité à subir une rechute après un premier épisode dépressif.
Pour le Docteur Raoul Belzeaux de l’Institut de neurosciences de la Timone à Marseille « la protéine Elk-1 pourrait être un bon indicateur du pronostic de la dépression et aider à la décision thérapeutique tel que le changement de traitement anticipé pour éviter l’échec thérapeutique ».
Inhiber l’expression de la protéine Elk-1
Depuis longtemps, les chercheurs ont supposé que les antidépresseurs classiques n’étaient pas efficaces sur certains patients compte tenu de leur mécanisme d’action ciblant exclusivement les neurotransmetteurs (molécules de communication entre les neurones) au niveau des synapses, les zones de jonction entre les neurones.
Ainsi, plusieurs études ont déjà investi le rôle des cascades de signalisation intracellulaire dans la survenue des symptômes dépressifs et les risques de rechute.
À savoir ! L’identification de marqueurs de vulnérabilité permettant de prédire une rechute après un premier épisode dépressif est un champ de recherche spécifique. Il a ainsi été montré que le taux cérébral de monoamine oxydase (impliquée dans la dégradation de certains neurotransmetteurs) est associé au risque de rechute. D’autres travaux montrent que les personnes qui ont des taux de cortisol (l’hormone du stress) élevés après traitement par antidépresseurs sont plus à risque de récidive en comparaison avec celles ayant des taux plus faibles.
Ici, la molécule utilisée pour bloquer l’Elk-1 est « un peptide qui bloque la phosphorylation (addition d’un groupe phosphate) d’Elk-1 par ERK, et l’interaction protéine/protéine, de façon assez spécifique », précise le Docteur Eleni Tzavara, directeur de recherche à l’INSERM, dans une interview accordée aux journalistes du Quotidien du Médecin.
Ainsi, les premières expériences menées sur le modèle murin ont montré que l’inhibition sélective de l’activation de Elk-1 par ce peptide (petite chaîne d’acides aminés) a empêché la survenue de comportements dépressifs induits par un stress.
Désormais, les chercheurs vont devoir tester l’efficacité et l’innocuité de ce peptide sur l’homme.
Julie P., Journaliste scientifique
– Antidepressive effects of targeting ELK-1 signal transduction. Nature Medicine. K.Apazoglou. Consulté le 5 juin 2018.
– Dépression. Mieux la comprendre pour la guérir durablement. Inserm. Consulté le 5 juin 2018.
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