La dépression est une maladie qui touche plus de 300 millions de personnes dans le monde. Dans les cas de dépression résistante aux traitements traditionnels, certains pays comme les Etats-Unis préconisent l’administration par voie intraveineuse de kétamine, un psychotrope aux effets antidépresseurs. Et s’il était possible d’en prolonger les effets au moyen de sourires et de mots positifs ? C’est ce que suggère une récente étude américaine qui présente les résultats d’une technique d’entraînement neurocognitif sur ordinateur.
Traitement des dépressions résistantes : les limites de la kétamine
Maladie psychique parmi les plus fréquentes, la dépression touche plus de 300 millions de personnes à travers le monde selon l’Organisation Mondiale de la Santé. Elle reste cependant une maladie encore mal soignée aujourd’hui. Il faut dire que les antidépresseurs disponibles sur le marché présentent une efficacité variable avec des délais d’action assez longs. A cela s’ajoute un pourcentage non négligeable de patients souffrant de
« dépression résistante » (environ 30%) et ne répondant pas aux traitements antidépresseurs traditionnels.
Dès lors, il s’avère crucial de développer de nouvelles thérapeutiques plus efficaces dans l’espoir de mieux traiter les patients souffrant de dépression résistante. C’est ce qu’ont fait des scientifiques américains avec la kétamine. Une étude ayant effectivement démontré que cette drogue, à l’effet anesthésique, utilisée en médecine présentait un effet antidépresseur intéressant, l’usage de la kétamine par voie intraveineuse s’est répandu (via des centres d’administration intraveineuse spécialisés).
À savoir ! Lorsqu’elles sont administrées dans un cadre médical et surveillées de manière appropriée, les perfusions de kétamine ne déclenchent pas de dépendance à la drogue chez les personnes souffrant de dépression résistante aux traitements classiques.
Si ce traitement à base de kétamine présente un bénéfice thérapeutique certain (soulagement des symptômes dès deux heures après une administration), il présente néanmoins des limites. Outre le coût élevé des perfusions de kétamine, leur effet s’estompe dans les semaines qui suivent, contraignant les patients à revenir pour une nouvelle perfusion. Et s’il était possible d’en prolonger les effets ? C’est ce que suggère une récente étude américaine dont les résultats ont été publiés dans l’American Journal of Psychiatry.
Des sourires pour prolonger l’effet antidépresseur de la kétamine
Pour mener à bien leurs travaux, des chercheurs de l’Université de Pittsburgh ont mis en place un essai clinique randomisé en double aveugle incluant plus de 150 patients atteints de dépression résistante. Après une seule administration de kétamine, ces patients ont été répartis en trois groupes :
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- Un premier groupe recevant une administration de kétamine suivie d’un entraînement neurocognitif sur ordinateur (à raison de huit formations automatisées de 20 minutes pendant quatre jours).
- Un second groupe recevant une administration de kétamine suivie d’une version non thérapeutique de l’entraînement par ordinateur.
- Un troisième groupe recevant une infusion saline à la place de la kétamine suivie d’un entraînement neurocognitif sur ordinateur.
À savoir ! Dans cette étude, l’entraînement sur ordinateur consiste en une thérapie comportementale qui exploite la plasticité cérébrale immédiatement induite par l’administration de kétamine au patient. La particularité de cette technique? L’utilisation de mots et images positifs visant à renforcer l’estime de soi du patient. Ainsi, des mots comme «doux», «aimable» et «digne» apparaissent à l’écran avec la photo du patient et des images de personnes souriantes.
Le mois suivant, les patients du premier groupe ont déclaré ressentir moins de symptômes de dépression et des effets antidépresseurs prolongés par rapport aux patients n’ayant pas bénéficié de l’entraînement (un mois contre deux semaines) et ceux n’ayant pas reçu la kétamine.
Vers une meilleure prise en charge des dépressions résistantes ?
Les résultats de cette étude suggèrent donc que l’entraînement neurocognitif pourrait prolonger les effets antidépresseurs de la kétamine. Cette découverte se révèle importante dans le cadre du développement de traitements de longue durée de la dépression pour les patients ayant épuisé les autres options thérapeutiques. Pour l’un des auteurs de cette étude : « L’utilisation d’un simple conditionnement pendant la période suivant le traitement à la kétamine, lorsque le cerveau est réceptif à l’absorption de nouvelles informations, nous permet de rechercher les principales caractéristiques de la dépression ».
L’équipe de chercheurs a d’ores et déjà déposé un brevet provisoire pour cette nouvelle découverte. Prochaine étape ? Rendre cette approche thérapeutique simple la plus accessible possible en exploitant les technologies numériques grand public (smartphones, tablettes). L’objectif étant de mieux prendre en charge les dépressions résistantes et de prolonger au maximum le temps entre chaque rendez-vous. Et les scientifiques ne comptent pas s’arrêter là ! De prochaines recherches pourraient étudier l’intérêt de cette approche dans le traitement d’autres troubles de la santé mentale et le traitement de troubles de l’alimentation. Affaire à suivre !
Déborah L., Docteur en Pharmacie
– Dépression : la kétamine, porte d’entrée vers de nouveaux traitements. vidal.fr. Consulté le 25 Janvier 2023.