Les confinements successifs ainsi que les restrictions liées à la crise sanitaire sans précédent que nous connaissons ont mis à rude épreuve la santé mentale des étudiants. Dès lors, serait-il possible de prédire le risque suicidaire chez les étudiants ? C’est ce que suggèrent des chercheurs français et canadiens qui ont identifié, au moyen de l’intelligence artificielle, plusieurs indicateurs de santé mentale permettant de prédire le risque suicidaire des étudiants.
Des étudiants particulièrement vulnérables au risque de suicide
Deuxième cause de mortalité chez les 15-24 ans, le suicide touche particulièrement la population étudiante qui traverse une période charnière de son existence. L’entrée à l’université, l’augmentation du stress et de la charge de travail constituent en effet autant de bouleversements non négligeables pour ces jeunes fraîchement sortis du lycée. Et la crise sanitaire liée à la pandémie de Covid-19 n’a pas arrangé la situation. Les confinements successifs ainsi que les multiples restrictions sanitaires ont mis à rude épreuve la santé mentale des étudiants. Perte de liberté et isolement forcé ont ainsi contribué à les fragiliser sur le plan psychologique avec une forte progression des manifestations d’anxiété, de la dépression et des pensées suicidaires.
C’est dire combien une détection précoce des comportements suicidaires est cruciale pour pouvoir mettre en place une prise en charge appropriée.
À savoir ! Les comportements suicidaires désignent les pensées suicidaires ainsi que les tentatives de suicide.
Dans ce contexte, des chercheurs français et canadiens ont identifié, au moyen de l’intelligence artificielle, plusieurs indicateurs de santé mentale à-mêmes de prédire précisément les comportements suicidaires des étudiants.
L’intelligence artificielle pour prédire le risque suicidaire étudiant
Pour mener à bien leurs recherches, les scientifiques de l’Inserm et de l’Université de Bordeaux, en collaboration avec les universités de Montréal et McGill au Québec, se sont appuyés sur des données recueillies auprès de 5 066 étudiants. Ces étudiants appartenant à la cohorte i-Share ont été suivis pendant un an ou plus entre 2013 et 2019. Tous étaient majeurs, francophones et inscrits dans une université française. Deux questionnaires en ligne remplis à l’inclusion et au bout d’un an ont permis de recueillir des données relatives à leur santé physique et mentale. L’analyse des données a ainsi révélé qu’environ 17% des participants, filles comme garçons, ont présenté des comportements suicidaires au cours de l’année qui s’est écoulée entre les deux questionnaires.
Forts de ce constat, les chercheurs ont alors entrepris de lister 70 facteurs prédictifs potentiels, issus du questionnaire d’inclusion, ayant une influence sur les comportements suicidaires. Parmi ces facteurs prédictifs, on peut citer des facteurs socio-démographiques, des paramètres de santé physique et mentale, des antécédents personnels et familiaux ou encore des traumatismes liés à l’enfance.
Les scientifiques ont ensuite eu recours à une technique d’intelligence artificielle pour analyser simultanément les nombreux facteurs associés au risque suicidaire. Cette méthode d’apprentissage automatique a ensuite permis d’établir un classement de ces facteurs par ordre d’importance en termes de prédiction des comportements suicidaires des étudiants.
À savoir ! L’apprentissage automatique, également appelé apprentissage machine ou apprentissage artificiel, désigne une forme d’intelligence artificielle. Il permet à un système d’apprendre à partir des données et non à l’aide d’une programmation explicite.
L’estime de soi : un facteur prédictif crucial
Cet algorithme basé sur l’intelligence artificielle a ainsi permis d’identifier de façon précise les principaux facteurs prédictifs des comportements suicidaires parmi la cohorte d’étudiants. Les scientifiques ont en effet pu observer que parmi les 70 facteurs prédictifs potentiels mesurés à l’inclusion, 4 indicateurs de santé mentale permettaient de détecter environ 80% des comportements suicidaires lors du suivi ! :
- Les pensées suicidaires
- L’anxiété
- Les symptômes de dépression
- L’estime de soi
D’après les chercheurs, ces résultats suggèrent que des échelles psychologiques couramment utilisées pour mesurer l’estime de soi, l’anxiété ou encore la dépression, suffiraient à identifier les étudiants susceptibles de présenter des comportements suicidaires. Pour le coordinateur de l’étude, ces résultats ouvrent la voie à la mise en place d’un dépistage à grande échelle permettant d’identifier les étudiants à risque suicidaire grâce à des questionnaires courts et simples.
Autre point notable, l’importance du facteur de l’estime de soi. Des analyses secondaires ont été menées sur un sous-échantillon de 3946 étudiants sans comportements suicidaires au moment de leur inclusion dans l’étude. Elles ont ainsi révélé que les variables prédictives qui se démarquaient dans l’analyse statistique étaient pour les filles les symptômes dépressifs, l’estime de soi et le stress académique et pour les garçons majoritairement l’estime de soi. Au grand étonnement des spécialistes de santé mentale impliqués dans l’étude, l’estime de soi semble donc constituer un marqueur prédictif indépendant et important du risque suicidaire étudiant. C’est dire combien l’utilisation de techniques d’intelligence artificielle, qui croisent un grand nombre de données de façon simultanée, laisse entrevoir de nouvelles perspectives de recherche et de prévention des risques suicidaires !
Déborah L., Docteur en Pharmacie
– Risque suicidaire chez les étudiants : des marqueurs prédictifs identifiés grâce à l’intelligence artificielle. egora.fr. Consulté le 15 juillet 2021.