Un Français sur cinq a souffert, souffre ou souffrira de dépression à un moment ou à un autre de sa vie. Mieux comprendre les origines et les mécanismes des troubles dépressifs est essentiel pour mieux prendre en charge les patients et développer des thérapies plus efficaces. Dans ce contexte, des chercheurs de l’INSERM, de l’Institut Pasteur et du CNRS viennent de publier une étude sur le rôle clé du microbiote intestinal. Explications.
Microbiote intestinal et troubles de l’humeur
Quel est le lien entre le microbiote intestinal, c’est-à-dire l’ensemble des micro-organismes qui vivent de manière commensale dans l’appareil digestif, et les troubles de l’humeur, au premier rang desquels figurent les troubles anxieux et dépressifs ? Plusieurs études scientifiques ont récemment révélé l’intérêt majeur de l’axe cerveau – intestin, impliquant notamment l’effet du microbiote sur le fonctionnement cérébral.
Ces études ont mis en évidence un lien entre les troubles de l’humeur et la dysbiose (les altérations quantitatives et qualitatives du microbiote intestinal), en particulier l’influence du microbiote sur l’efficacité de certains médicaments antidépresseurs. Pour en savoir plus sur le lien entre le microbiote et la dépression, des chercheurs français ont travaillé sur un modèle de souris, soumis à un stress chronique.
Une baisse des endocannabinoïdes liée à une altération du microbiote
Les souris, soumises à un stress chronique, présentaient un microbiote intestinal altéré, qui peut être relié à des troubles dépressifs. Plusieurs types de bactéries avaient fortement régressé dans le microbiote des animaux stressés et dépressifs. En étudiant les mécanismes responsables de ces troubles de l’humeur, les chercheurs se sont aperçus que le niveau de certaines substances lipidiques, les endocannabinoïdes, avait chuté dans le sang et le cerveau des animaux soumis au stress. La baisse des endocannabinoïdes se traduit physiologiquement par des dysfonctionnements dans certaines voies de communication cérébrale.
À savoir ! Les endocannabinoïdes se lient dans le cerveau au même récepteur que le tétrahydrocannabinol (THC), la principale substance active du cannabis
Dans le cerveau des souris stressées, les chercheurs ont noté une absence d’endocannabinoïdes dans la région cérébrale de l’hippocampe, une région très impliquée dans les émotions et la mémoire.
Des bactéries psychobiotiques face à la dépression
Dans un second temps, les chercheurs ont administré oralement aux souris dépressives les bactéries du microbiote impactées par le stress chronique (principalement des bactéries du genre Lactobacillus). Ce traitement a permis :
- De restaurer des niveaux normaux d’endocannabinoïdes dans le sang et le cerveau ;
- De soulager les troubles dépressifs.
De tels résultats révèlent que le microbiote intestinal est essentiel au bon fonctionnement du cerveau et au contrôle de l’humeur. Certaines bactéries du microbiote pourraient ainsi avoir des propriétés antidépressives. A l’image des probiotiques, ces bactéries pourraient être prescrites comme psychobiotiques pour prévenir et soulager les troubles dépressifs, en restaurant un microbiote intestinal fonctionnel.
Estelle B., Docteur en Pharmacie