Une personne sur 5 sera touché, au moins une fois dans sa vie, par la dépression. En ce qui concerne les traitements médicamenteux, 30 % des personnes dépressives sont insensibles aux antidépresseurs de seconde génération nommés ISRS (Inhibiteurs sélectifs de la recapture de la sérotonine). Des chercheurs californiens du Salk Institute ont peut-être trouvé l’explication : certains neurones deviendraient hyperactifs en présence des médicaments. Focus sur l’étude publiée dans la revue Molecular Psychiatry.
De la reprogrammation cellulaire pour tester l’effet des antidépresseurs seconde génération
La dépression majeure est liée, entre autres, à un déséquilibre de la signalisation de la sérotonine dans le cerveau. Chez les personnes dépressives, la sérotonine serait produite en faible quantité tout en étant recapturée trop vite par le neurone voulant la libérer (neurone présynaptique).
Ce déficit de passage de sérotonine, du neurone présynaptique vers le neurone post-synaptique, empêche les cellules nerveuses de communiquer et de transformer le signal chimique en signal nerveux (activité électrique du neurone).
À savoir ! La sérotonine est un messager chimique, appelé neurotransmetteur, qui agit au niveau du système nerveux central (cerveau et moelle épinière). Elle est impliquée dans diverses fonctions de l’organisme telles que le sommeil,l’humeur, les comportements alimentaires et sexuels. Les ISRS les plus connus sont la fluoxétine, la sertraline, la paroxétine, le citalopram, l’ escitalopram.
Les médicaments ISRS augmentent les niveaux de sérotonine disponibles en inhibant la recapture par le neurone pré-synaptique.
Pour mieux comprendre, l’insensibilité aux ISRS de certaines personnes touchées par une dépression majeure, l’équipe de Greg Gage du laboratoire de génétique de l’institut de biologie Salk, ont réuni 803 volontaires.
Parmi eux, ils ont sélectionné :
- Trois personnes présentant une rémission complète avec des ISRS ;
- Trois personnes sans amélioration de leurs symptômes dépressifs après avoir suivi un traitement de 8 semaines avec des ISRS (groupe des non-répondants aux ISRS).
À savoir ! Les symptômes de la dépression majeure sont très larges et peuvent se combiner. On retrouve l’anxiété, la baisse d’énergie et de concentration, la baisse d’appétit et de libido, l’absence de plaisir, l’apathie et la baisse d’intérêt ou encore l’impulsivité et l’irritabilité. Ces symptômes sont retrouvés en fonction du neurotransmetteur qui présente une dérégulation. Ce peut être la dopamine, la noradrénaline et/ou la sérotonine.
Ensuite, les biologistes ont prélevé leurs cellules cutanées ainsi que celles de trois autres personnes en bonne santé (groupe témoin). Afin de convertir ces cellules en neurones, ils ont utilisé des techniques de reprogrammation des cellules souches pour transformer ces cellules de la peau en cellules souches pluripotentes induites puis en neurones.
À savoir ! Les cellules souches pluripotentes induites, dont le mécanisme de génération a été récompensé par le prix Nobel de médecine en 2012 pour le chercheur japonnais Shinya Yamanaka, sont des cellules différenciées reprogrammées génétiquement pour les rendre pluripotentes, c’est-à-dire capable de se multiplier indéfiniment et de se différencier en n’importe quels types de cellules. Quatre gènes, Oct3/4, Sox2, c-Myc, et Klf4, sont insérés dans la cellule différenciée pour qu’elle devienne une cellule souche pluripotente induite.
Une fois les 9 lots de neurones obtenus issus des 9 volontaires, les chercheurs les ont soumis à des niveaux élevés de sérotonine, mimant ainsi l’effet provoqué dans le cerveau par les antidépresseurs ISRS.
Détection d’une hyperactivité des neurones
A leur grande surprise, les chercheurs ont mis en évidence que les neurones issus des non-répondeurs aux ISRS avaient une activité supérieure par rapport aux neurones d’individus en bonne santé ou de répondeurs aux ISRS. Pour aller plus loin, les chercheurs ont étudié de près deux des cinq récepteurs de la sérotonine : 5-HT2A et 5-HT7. En les bloquant par un composé chimique, les neurones des non-répondeurs n’étaient plus hyperactifs en présence de sérotonine.
Cette étude montre que des médicaments ciblant ces récepteurs pourraient être une alternative, ou un complément efficace, aux ISRS chez certains patients.
« C’est une étape prometteuse pour comprendre pourquoi certains patients ne répondent pas aux ISRS, et qui nous permettra de mieux personnaliser les traitements de la dépression » a déclaré Fred Gage, auteur principal de l’étude.
Julie P., Journaliste scientifique
– Cellules pluripotentes induites (IPS). INSERM. Consulté le 12 février 2018.