Quel est l’état de santé mentale des personnes en situation de grande précarité en France ? Le suivi d’une importante cohorte française permet de dresser un tableau général de la dépression et des pathologies mentales au sein de cette catégorie de population, pour mieux définir les stratégies de prévention et de prise en charge.
Grande précarité et santé mentale
Pour les personnes en situation de grande précarité, a été développé un programme intitulé « un chez soi d’abord », un dispositif national destiné en particulier aux personnes sans-abri présentant des troubles psychiques sévères. L’objectif est de proposer à ces personnes :
- Un accès à un logement stable ;
- Un accompagnement par une équipe médico-sociale pluridisciplinaire.
Récemment, ce programme français a fait l’objet d’une évaluation scientifique, par le biais d’une étude de cohorte randomisée ayant inclus 700 personnes, d’âge moyen 38 ans, dans 4 villes françaises (Lille, Marseille, Paris et Toulouse). L’objectif était de comparer l’état de santé mentale des personnes bénéficiant du programme « un chez soi d’abord » avec des personnes dans un état de précarité similaire et prises en charge avec les dispositifs classiques.
Schizophrénie, troubles bipolaires et dépression
Parmi les participants de l’étude, 82,5 % sont des hommes, atteints pour 68,9 % d’entre eux de schizophrénie et pour 31,1 % d’entre eux de troubles bipolaires. Les chercheurs se sont particulièrement intéressés à la prévalence de la dépression au sein de cette cohorte.
Sur les 700 participants, 55,4 % ont été diagnostiqués pour un épisode dépressif, parmi lesquels 51,3 % étaient schizophrènes et 63,8 % bipolaires. En revanche, seulement 10,4 % des participants étaient traités par des médicaments antidépresseurs.
L’existence de symptômes dépressifs chez les participants avait pour conséquence une augmentation du risque d’être victime de violences ou de présenter une addiction à l’alcool ou aux drogues.
Mieux prendre en charge la santé mentale des personnes en situation de précarité
Parmi la minorité de patients dépressifs traités pharmacologiquement, 71,2 % n’étaient pas en rémission de leurs symptômes dépressifs, en particulier ceux souffrant parallèlement de troubles bipolaires ou d’addictions. Aucune classe de médicaments antidépresseurs n’apparaissait associée à un plus fort taux de rémission de la dépression. D’autres médicaments psychotropes pourraient faire l’objet d’une évaluation clinique dans ce contexte.
Cette vaste étude de cohorte menée sur des personnes en situation de grande précarité révèle que les sujets atteints de pathologies mentales sont particulièrement exposés au risque de dépression. Néanmoins, une minorité d’entre eux sont traités, et même avec le traitement, rares sont ceux qui bénéficient d’une rémission de leurs troubles dépressifs. Ces nouvelles données amènent à repenser la prise en charge de ces personnes, et à améliorer les stratégies thérapeutiques, pour améliorer l’état de santé mentale de cette catégorie de population particulièrement fragile.
Estelle B., Docteur en Pharmacie
– Improving the treatment and remission of major depression in homeless people with severe mental illness: The multicentric French Housing First (FHF) program. INSERM. Consulté le 28 février 2020.