Troubles dépressifs, des mécanismes immunitaires en jeu ?

La crise sanitaire de la Covid-19 a été associée à une accélération sans précédent de la hausse des cas de dépression et de troubles de l’humeur. Pour mieux accompagner les patients et traiter ces troubles, il est fondamental de percer les mystères de la dépression. Le projet européen Moodstratification s’inscrit dans cet objectif et vient de publier des résultats intéressants sur le lien entre les troubles dépressifs et l’immunité. Décryptage.

Immunité et troubles psychiatriques

Le projet Moodstratification est un projet de recherche intégrant des instituts de recherche de 7 pays différents : Allemagne, Belgique, France, Italie, Danemark, Pays-Bas et Israël. L’objectif de ce projet est d’identifier les anomalies immunitaires associées à différentes pathologies psychiatriques.

Dans ce contexte, les résultats de l’étude Moodstratification, menée entre 2018 et 2023, viennent d’être annoncés par la Fondation Fondamental et ses partenaires. Cette étude a mobilisé 12 équipes de recherche à travers l’Europe et a ciblé les anomalies immunitaires associées au développement de troubles de l’humeur sévère, en particulier les troubles dépressifs.

Des anomalies immunitaires associées aux troubles dépressifs

Le lien entre l’immunité et l’humeur n’est pas inconnu des scientifiques. En effet, des liens et parfois même des relations de causalité ont été démontrés entre des troubles de l’humeur et certaines pathologies auto-immunes, comme le psoriasis ou la sclérose en plaques. La piste des anomalies immunitaires apparait donc comme une piste intéressante pour la prise en charge des troubles de l’humeur. Dans l’étude MoodStratification, les patients atteints de différentes formes de dépression ont été triés en fonction de paramètres cliniques (symptômes de la dépression) et biologiques.

L’étude s’est particulièrement concentrée sur les altérations des cellules immunitaires, en particulier certaines catégories de lymphocytes (globules blancs) : les lymphocytes T régulateurs et les lymphocytes Th17. Ces deux catégories de lymphocytes sont connues pour leur implication dans la régulation des mécanismes inflammatoires. En identifiant une signature biologique pour chaque sous-groupe de patients, les chercheurs peuvent proposer une stratégie thérapeutique adaptée et personnalisée.

Adapter la thérapie antidépressive en fonction des paramètres immunitaires

L’étude a mis en évidence des signatures biologiques immunitaires différentes entre les patients atteints de troubles dépressifs majeurs et les patients atteints de dépression bipolaire. La mise en évidence de marqueurs biologiques spécifiques de la dépression bipolaire pourrait permettre un diagnostic plus précoce des troubles bipolaires. Rappelons qu’actuellement, le délai moyen estimé entre un premier épisode bipolaire et la mise en place d’un traitement de la bipolarité est de 10 ans.

Par ailleurs, les chercheurs ont testé différentes thérapies sur les sous-groupes de patients, à la fois des traitements classiques de la dépression (antidépresseurs) et des traitements ciblant les anomalies immunitaires. Les données collectées montrent que tous les patients ne répondent pas de la même manière aux différents traitements utilisés. En revanche, l’identification préalable des anomalies immunitaires permettait de mieux choisir le traitement et donc d’obtenir une meilleure réponse au traitement. Cette étude montre que les stratégies thérapeutiques des troubles de l’humeur pourraient être adaptées en fonction des marqueurs immunitaires identifiés. Une avancée importante vers la médecine psychiatrique de précision !